Tir n°2 – ça va

Ça va ?

C’est peut-être la question la plus sournoise de toute la langue française.

Elle débarque en plein chaos, comme un automate mal programmé.

Elle sort de la bouche de ton collègue à la machine à café, d’un toubib débordé, d’un parent pressé, d’un ami bienveillant ou d’un inconnu dans un hall d’immeuble. Elle est partout. Mais rarement sincère.

Tu pourrais répondre “Non, pas du tout, j’ai envie de disparaître.” Mais tu ne le fais pas. Parce que tu sais que la question n’est pas une vraie question. C’est une virgule sociale. Une formule de politesse.

Une incantation pour éviter le malaise.

On n’attend pas ta vérité. On attend ta politesse. Un « oui oui » vague, ou mieux encore : un sourire automatique.

Si t’es trop honnête, tu brises la scène. T’es hors script. Tu deviens un bug dans la comédie humaine.

Alors tu ravales. Tu dis “ça va”, comme tout le monde.
Même si c’est faux. Même si t’as rien dormi, même si tu suffoques. Même si tu tiens plus qu’à un fil.

Tu veux l’origine de cette formule ?

Ce serait Louis XIV qui aurait lancé la mode.

Constipé comme un trône d’or bouché, il n’arrivait pas à déféquer. Son médecin lui demandait chaque matin, cérémonieusement :

Sa Majesté… ça va ?

Traduction : “A-t-elle réussi à aller à la selle ?

Depuis, on demande à tout le monde s’ils ont bien chié — sans vraiment vouloir savoir.

Et toi ?

… Ça va ?

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